Elle s’appelait l’« Ecole Muhammad Durrah ». La nursery de l’Union des Femmes d’Abu Dhabi porte désormais le nom d’« école maternelle du paradis ». Surprenante superposition ! L’image du Paradis devra-t-elle désormais remplacer le souvenir de l’enfant palestinien mort sous un tir de balles dans les bras de son père en direct sur toutes les chaînes de télé du monde ? Immanquablement viennent à l’esprit les derniers vers du poème de Mahmoud Darwich dédié au petit « Muhammad »
Muhammad,
Sang superflu pour la quête des prophètes,
Monte donc au Jujubier céleste
Ô Muhammad
L’évocation du « jujubier céleste », « sidrat al muntaha », un endroit cité dans le Coran que seul Allah ta ala connaît, est une référence directe au voyage ascensionnel qu’effectua le Prophète Muhammad (sws) lors d’une nuit sacrée, de la mosquée Al Aqsa aux plus hauts degrés du paradis, à travers les sept Cieux. Le poète l’affirme, l’enfant martyr qu’il compare à l’oiseau, s’envolera au Paradis.
Oiseau terrorisé par l'enfer tombant du ciel,
Muhammad se niche dans l'étreinte de son père : Protège-moi
De l'envol, père, mon aile est encore
Petite pour le vent . . . et la lumière est noire
Les nations arabes et les musulmans en général ont, chacun à leur manière, rendu hommage à l’enfant. La Jordanie et la Tunisie ont édité un timbre portant la photo du jeune Muhammad Durrah face à son implacable destin, une rue d'une ville d’Egypte porte son nom. Aux Emirats, outre le nom donné à l’école de l’Union des Femmes, l’émir de Dubaï, Mohammed bin Rachid al Maktoum, lui a dédié un poème dans le style de poésie Nabati :
Il s’adosse au mur sans aucune protection
Un enfant sans arme face aux ennemis
Il se cachait et les balles des tyrans
N’eurent aucune pitié de son jeune âge
Il appelle au secours et les criminels l’égorgent
Les sauvages, leur injustice ne se calme pas
O Mohammed ! Au paradis des âmes éternelles
O Mohammed ! Ta voix a été entendue de loin
O Mohammed ! Avec toi, le Dieu de toute l’humanité
Que sa miséricorde soit toujours en toi
O Mohammed ! Tous ceux qui t’ont vu se lamentent
Et si nous avions pu, nous nous serions sacrifiés pour toi
Mille millions est le nombre des musulmans
Ils sont tous un seul père pour toi
Oh ! Où est la paix des justes ?
La réconciliation que vous souhaitez est vaine
Les occupants l’ont sans doute condamnée
Le jour où ils ont renouvelé leur haine
Ils ont fait bouillir le sang du peuple arabe
Lorsque Sharon a visité la mosquée
O Arabes ! Vous êtes des camarades de longue date
Ne rallumez pas la flamme du passé
Notre grand souci est de nous défendre contre les agresseurs
Qui ont assailli clairement Al-Aqsa
O Peuple arabe ! Réunissez-vous
Serrez vos rangs, les ennemis vous craindront
Suivez Zayed, le chef des sages
Qui vous a appelé à vous joindre à lui
O Saladin, O Le plus grand des conquérants !
O Omar, O Nobles et généreux !
Les circonstances de la nation arabe incitent les avides
Nous devons nous unir pour trouver le bonheur
...10 ans déjà… A l’heure où la destruction programmée de la mosquée sacrée d’Al Aqsa commence, laissons à nouveau la parole au grand poète palestinien Mahmoud Darwich :
Son chasseur aurait pu s'accorder un instant de réflexion,
Se dire : je l'épargnerai en attendant qu'il apprenne
A épeler correctement sa Palestine. . .
Je l'épargnerai maintenant, en gage de ma conscience,
Et l'abattrai, plus tard, lorsqu'il se révoltera
Il aurait eu 22 ans cette année. Que serait-il devenu ?